Dans ce chapitre, j’ai voulu retracer l’histoire de Gujan-Mestras au travers de cartes postales anciennes (collection privée) ainsi que d’un film qui, à lui seul, est toute une histoire à part entière.
Pour bien vous repérer sur les cartes postales, lisez bien les sous-titres des photos ainsi que les commentaires qui en accompagnent certaines.
J’ai tenu à être, sur ces différentes pages, à ma modeste manière, grâce à mes souvenirs et ceux que m’ont laissés mes ancêtres, un "passeur d’histoire" afin l’Histoire de Gujan-Mestras perdure auprès de notre jeunesse.
Je tiens à remercier tous ceux qui ont contribué à l'enrichissement de ma collection personnelle de photos et cartes postales afin de me permettre de retracer au mieux le vécu de Gujan-Mestras : Olivier Narp, Alain Folliot, Jean-Pierre Dubourdieu...
Et maintenant, je vous propose de me suivre, dans les couloirs du temps, à la recherche d’un monde perdu…
J'ai consacré cette quatrième page à :
- Les chantiers navals,
- Les métiers de la mer (ostréiculture, pêche, conserveries),
- Le Port de la Barbotière,
- Le Port du Canal.
La réputation des constructions navales Gujanaises attirait de nombreux charpentiers de marine qui venaient exercer leurs talents dans les 10 chantiers navals que comportait la commune : Lapeyre, Fourton, Dubourdieu, Carrère, Pradère, Dupret, Deycard, Cristal, Lurie et Brune.
Il y régnait une intense activité surtout pendant la période de l’entre deux guerres où toutes sortes de bateaux sortiront des chantiers.
Tous ces chantiers navals (sauf un) ont malheureusement disparu du paysage Gujanais. Il n’en reste que quelques rares photos ou cartes postales (voir ci-dessous).
Le seul qui a perduré dans la construction traditionnelle (bien que fortement améliorée pour le confort de touristes aisés). Il s’agit du chantier naval Dubourdieu. C’est donc sur ce dernier que je vais m’attarder pour vous faire partager sa part d’histoire patrimoniale.
Le chantier naval Dubourdieu :
C'est en 1800 qu'un jeune charpentier du nom de Louis Dubourdieu fonda un chantier de construction de "tilloles", mot ancien désignant des bateaux de pêche à rames. Le premier livre de comptes ne débutant qu'en juillet 1885, il ne reste du chantier du XlXème siècle que le souvenir forcément imparfait transmis par la tradition orale et quelques plans. Ces derniers ne portent pas de mention de taille, mais il existait au moins deux modèles de "tilloles", la "Petite" et la "Grande". Ces bateaux de pêche à rames étaient déjà construits à l'unité selon les demandes spécifiques de chaque "patron". Vers 1890, les "Tilloles" apparaissent dans le livre de compte avec un gréement complet. Le chantier naval Dubourdieu a donc construit quelques bateaux à voile, mais sur une très courte durée. Trois générations, en descendance directe, traversent le siècle aux commandes d'un chantier naval à la réputation croissante, d'où sortent chaque année entre 12 et 16 bateaux.
A l'aube du XXème siècle, Emile Dubourdieu, 4ème du nom, propulse le chantier dans la révolution industrielle en construisant les premiers bateaux à pétrole. C'est aux environs de 1900 qu'apparaît le nom de "pinasse", dont l'origine du nom viendrait du pin, bois souvent utilisé dans leur fabrication mais pour d'autres, il viendrait du droit de "pinasse" perçu par les seigneurs testerins sur toute pêche effectuée sur le bassin, et abolie à la fin du XVlllème par décret royal. Toujours est-il que c'est aux alentours de cette date que les livres de compte du chantier Dubourdieu font état de "pinasses" à pétrole. L'appellation "Tillole" survivra jusqu'à la première guerre mondiale, uniquement utilisée pour les commandes de clients locaux. En 1918, la Marine Nationale passe ses premières commandes au chantier qui livre 6 canots de débarquement entre 8 et 11 m. Des unités à pétrole, embarcations de travail, pêche ou ostréiculture, toujours construites sur mesure, seront "exportées" jusqu'en Bretagne, et leur taille peut atteindre les 16 m. Le chantier naval Dubourdieu a trouvé, dès lors, un nouveau débouché et fabrique des pinasses, sardinières et chalutiers qui pendant l'entre deux guerres seront vendues dans toute la France.
Au début des Années Folles, le Bassin d'Arcachon devient un lieu de villégiature très coté. Gabrielle d'Annunzio y côtoie Jean Cocteau, la famille royale espagnole vient séjourner à Arcachon et à La Hume… et les riches négociants bordelais se font ériger des "folies" (grandes demeures) dans la Ville d'Hiver. Les distractions étant rares et les bains de mer quelque peu frais, ces touristes avant l'heure se tournent vers la mer et découvrent les joies de la navigation. A la demande de cette clientèle spéciale, le chantier naval Dubourdieu, devenu "Emile Dubourdieu et fils" va faire évoluer sa pinasse de travail en petit bijou de plaisance: bois précieux vernis, cuivre et laiton polis, moteurs à pétrole dès 1909, puis à essence à partir de 1922, jusqu'à la transmission qui, à crémaillère pour l'ostréiculture, passe en ligne d'arbre directe (à"talon") pour la plaisance. Ces "pinasses de Monsieur" étaient pilotées par des marins du Bassin d'Arcachon, petits pêcheurs qui se louaient pour une saison. On organisait des pique-niques très fins, avec les messieurs en canotiers et les dames en robes légères de lin clair. Dubourdieu devient ainsi le spécialiste des pinasses automobiles.
En 1930, le moteur à essence règne en maître, et plusieurs constructeurs, originaires du Bassin, inventent le moteur marin : Chevillet, Castelnau, Couach et sont en route pour devenir des grands noms du motonautisme de plaisance. Dès lors, lentement, la part des bateaux de plaisance dans la production du chantier devient de plus en plus importante, pour être majoritaire dès les années 50. En 1931, Emile se retire, laissant le chantier à ses fils, Guillaume et Pierre. Le chantier s'appellera désormais "Dubourdieu Frères". En 1947, le fils de Pierre, Jean-Pierre, fait son apprentissage au chantier. Il reprend l'affaire avec son père lorsque Guillaume part à la retraite en 1961, et commence à dessiner les modèles.
C'est à Jean-Pierre que les pinasses actuelles doivent leurs lignes élégantes. Seul maître à bord depuis 1974, c'est encore Jean-Pierre qui conçoit en 1981 les "Classic Express", pinasses de la nouvelle génération, lignes classiques et construction moderne en bois stratifié.
De 1981 à 1999, une quinzaine de ses "Classic Express" seront mise à l'eau, ainsi que des créations sur mesure pour une clientèle de plus en plus prestigieuse, dont Philippe Starck.
En 2000, après 6 générations de Dubourdieu (Jean-Pierre ayant plus de 70 ans), le chantier se retrouvait sans successeur. L'aventure aurait pu s'arrêter là. Mais laisser mourir un tel savoir-faire était inconcevable car cela aurait été mettre en péril la survie d'un patrimoine, d'un métier, d'une race à part de bateaux. Emmanuel et Béatrice Martinont relevé le défi en rachetant le chantier en septembre 2000.
Désormais "Dubourdieu 1800", l'entreprise se modernise et internationalise ses ventes, portée par le phénomène d'engouement pour les bateaux de caractère, mis au goût du jour par les Italiens, et pourtant fabriqués depuis plus de 200 ans à Gujan-Mestras !
Mais rassurez-vous après recherches, j’ai retrouvé la trace de 2 pinasses qui avaient été construites au chantier naval Lapeyre. Après rénovation, elles revoguent ainsi toujours sur leur beau Bassin d'Arcachon.
Il s’agit de :
- "La de Grasse" ancienne pinasse ostréicole, devenue "La Délirante" construite en 1959 par Jacques Lapeyre désignée au niveau la construction auprès du Patrimoine Maritime Fluvial comme suit : "construction classique bordes en pin, membrures chêne, étrave et arrière arrondis, plat bord et pont lattés en acajou et chêne blanc des Pyrénées, cabine acajou, toit frêne blanc des Pyrénées… Pinasse à crémaillère en pin. C’est un bateau de travail permettant aux ostréiculteurs de s’échouer à plat sur les parcs à huîtres, de charger aisément les poches grâce à une faible hauteur de franc-bord et d’évoluer avec très peu de profondeur avec l’hélice relevée. Après une carrière d’un demi-siècle, Henri Bédouret lui permet d’entamer une seconde vie... Construite aux Chantiers Navals Lapeyre au port de Larros à Gujan Mestras en 1959. Spécialement appréciables dans le clapot court typique du Bassin d’Arcachon, ses courbes évasées liées à une ligne très basse lui confèrent à la fois grâce, finesse et qualité marine unique. Propriétaires successifs : Mr Castaing Jean Robert, Mr Paillere Éric puis changement de nom du bateau avec Mr Bédouret Henri. Restauration complète du bateau effectuée de 2006 à 2007 aux Chantiers d’Aiguillon à Arcachon".
- "Au Clair de Lune" construite en 1973 au chantier naval Lapeyre. Un couple d’amoureux de vieille marine, Jean-Jacques et Anita Cazaux, a fait restaurer cette pinasse de 9,50 m auprès des chantiers Bonnin à Arcachon, rénovation ayant demandé pas moins de 1000 heures de travail à l’équipe du chantier naval car "seule la coque était en bon état… Les superstructures étaient entièrement à refaire. Le chantier réalisé un vrai travail à l’ancienne, dans les règles. Il fallait tout refaire, la timonerie, le rouf, les hiloires, lesquelles ont été refaites d’une seule pièce, le barrotage…». Ainsi, la jolie dame a été mise l’eau, pour une seconde vie, courant juin 2011 et a ainsi rejoint le Bassin. Désormais installée au port d’Arcachon, elle fait sa belle tout l’été dans les eaux arcachonnaises.
Je ne pouvais commencer ce chapitre sans vous commenter l’histoire de la pêche traditionnelle à la sardine sur le Bassin d’Arcachon.
Les activités maritimes du Bassin d’Arcachon vont être marquées, pour les XIXème et XXème siècles, par trois faits majeurs qui vont tous contribuer à la disparition des pêches artisanales traditionnelles.
L’administration qui a toujours eu besoin d’y voir clair dans ses textes réglementaires, a appelé nos pinassottes des "tilloles" pour les distinguer de leurs lourdes consœurs du Sud. Car, pour pêcher dans l’océan, les marins Gujanais (ainsi que ceux de tout le Bassin) s’embarquaient, en réalité, sur de grosses chaloupes, longtemps non pontées, puisqu’il y a toujours eu des marins sur le Bassin, dont beaucoup osaient affronter les passes pour gagner l’océan. Où ils ne pêchaient pas la fortune !
Tout d’abord, l’apparition et le développement, à partir du XIXème siècle, de la pêche au chalut et de la propulsion à vapeur vont amener la constitution d’une importante flotte de chalutiers à vapeur qui va faire d’Arcachon le second port de pêche de France en 1910. Ne pouvant supporter cette concurrence, les chaloupes qui étaient à voiles et à avirons disparaîtront totalement. L’événement suivant sera l’apparition de l’ostréiculture qui va transformer les pêcheurs en ostréiculteurs.
Le troisième choc va se produire à partir du milieu du XXème siècle avec le développement du tourisme qui va drainer vers le Bassin un nombre toujours plus élevé de touristes et donc une flotte de plaisance de plus en plus conséquente qui va finir par poser un véritable problème d’occupation de l’espace et un déséquilibre du milieu écologique. Ces 3 phénomènes cumulés vont amener le recul, sinon la disparition des formes de pêche traditionnelles mais celle qui a marqué l’histoire du Bassin d’Arcachon est, sans conteste, la pêche à la sardine.
La sardine, "sardina pilchardus" étant le nom scientifique de l’espèce la plus courante, est un poisson connu et apprécié depuis très longtemps, c’est un poisson grégaire, se déplaçant par bancs et qui effectue des migrations saisonnières du large vers les côtes. Ces migrations sont très capricieuses, et donnent lieu à de grandes disparités dans les captures lorsque les moyens de pêche ne permettent pas de s’éloigner des côtes ce qui est le cas pour le Bassin d’Arcachon au début du XXème siècle, où le bateau utilisé reste la pinasse à rames et à voiles.
L’équipage de la pêche à la sardine n’est pas changeant et occasionnel, mais permanent et durable, et formé de deux individus. L’un amène le bateau, l’autre les voiles et le mât (les avirons faisant l’objet d’un apport commun), établissant ainsi des relations égalitaires et complémentaires entre les deux partenaires, qui vont se partager, à parts égales, le travail et les bénéfices. Cette cellule de travail est généralement stable, souvent formée de parents, obligatoirement d’amis qui peuvent d’ailleurs, à l’occasion d’un renouvellement de matériel inverser les apports, dans la constitution d’un nouvel outil de travail.
Cette pêche se pratiquait avec des filets droits qui nous venaient de Bretagne et qui étaient ensuite montés par les filetières locales. En 1920, Monsier Mondiet installe à Mestras une fabrique de filets. Les filets à sardines ou "sardinières" sont, soit achetés par les deux associés, soit appartiennent à l’un ou à l’autre, soit, plus rarement loués. En effet la pêche de la sardine suppose une série de filets de mailles différentes afin de faire coïncider la taille de la sardine et celle de la maille, soit au total une quinzaine de filets. On comprend alors la raison d’être de cette structure de travail par association qui permet de partager les frais d’achat des outils de travail tout en sauvegardant la liberté des associés.
Cette unité de base va cependant se fondre dans un ensemble plus vaste car la pêche de la sardine donne lieu à une organisation communautaire par la constitution d’une flottille de pêche, regroupant de 100 à 200 bateaux venus de la rive Sud du Bassin d’Arcachon, Gujan-Mestras, La Teste et Arcachon. Cette flotte est dotée de maîtres jurés dont le travail consiste à faire traverser les Passes, cette barre dangereuse formée par l’Océan à l’entrée du Bassin. Dotés d’une autorité incontestée, ces chefs que l’on appelle les "prud’hommes" disposent d’un code à base de drapeaux pour donner ou non l’autorisation de traverser les Passes. Ces chefs sont, en outre, chargés de fixer l’heure et les conditions de départ.
Une fois dans l’Océan, la flottille qui s’était regroupée pour la traversée va se disperser, chaque unité pêchant pour son compte jusqu’au moment du retour qui se fera également de façon collective. Ce métier est très pénible et une telle pêche présente de grands risques pour les équipages comme le prouve les nombreux naufrages et catastrophes, qui ont endeuillé les familles de marins, malgré les pilotes, marins expérimentés, qui connaissaient parfaitement les Passes dangereuses.
La sardine peut se pêcher sur deux espaces géographiques à des périodes différentes. Dans le Golfe de Gascogne, à l’Océan pendant l’hiver, que nos anciens appelaient la pêche au "péougue", et selon l’organisation que nous venons de voir, puis, dans le Bassin, où elle rentre au printemps pour en repartir à l’automne, chaque pinasse pêchant alors à son gré. Dans les deux cas, les techniques ne varient pas ou très peu, on appâte le poisson avec de la rogue ou "raba" en gascon, oeufs de morue salés, mis en barils, que l’on émiette pour mélanger avec de l’eau de mer et du sable. Cet appât, apparu à partir du XVIIIème siècle s’est répandu dans le Bassin à la fin du XIXème. Cette pratique de pêche venait remplacer l’ancien système qui consistait à aller pêcher des alevins à l’embouchure de la Leyre, dans la zone de contact des eaux douces et des eaux salées mais très destructrice pour la faune marine, cette méthode fut interdite.
La sardine peut donc se pêcher pratiquement toute l’année. C’est une pêche permanente pratiquée par une catégorie de pêcheurs déterminée "chardinayres" dont l’art va consister à repérer les bancs de sardines. Le repérage se fait par l’observation des prédateurs, les oiseaux marins et les gros poissons, surtout les marsouins et les dauphins, très friands de sardines. En l’absence de ces indications, on pose les filets au hasard, en s’efforçant d’appâter le poisson.
A partir de la guerre de 1914, ce système va se modifier puis disparaître sous le coup d’une série d’innovations techniques, en particulier l’apparition du moteur à essence qui sur le Bassin, va commencer à équiper, dès 1905, une partie de la flotte Arcachonnaise. On va alors construire des pinasses traditionnelles "la pétroleuse", motorisées, et pêchant sur le modèle des morutiers de Terre-Neuve. Ces nouvelles pinasses embarquent un équipage de 6 à 12 marins dont chacun dispose d’un petit canot ou doris que l’on essaime autour du bateau, avec un filet, de la rogue et deux avirons. Le produit de la pêche est ensuite hissé sur le bateau principal.
Du coup, l’institution des prud’hommes va tomber en désuétude puis disparaître, en même temps que la pêche traditionnelle à la pinasse que nous venons de décrire, par le passage d’une structure de pêche artisanale à une organisation semi-industrielle. Cette mutation va s’accompagner de changements sociaux et techniques, en particulier un apport massif de main d’œuvre Bretonne, les femmes travaillant dans les conserveries, les hommes à la pêche, remplaçant les pêcheurs du Bassin qui se sont, entre temps, reconvertis à l’ostréiculture. Si bien que Jacques Weulersse écrivait en 1925 : "Depuis 1919, la pêche à la sardine est redevenue prospère, elle est maintenant presque entièrement entre les mains de pêcheurs Bretons... Les armateurs sont Arcachonnais, mais les équipages comptent 80% de Bretons".
Sept conserveries s’établirent ainsi sur la commune : Théophile de Pénanros et Billette de Concarneau, Chancerelle de Douarnenez, Lévesque de Nantes, Dandicolle & Gaudin et Teyssonneau de Bordeaux, La Sardine Française de Gujan-Mestras. Quelques bâtiments des dernières usines subsistent encore aujourd’hui, avec des affectations qui n’ont plus rien à voir avec l’industrie alimentaire.
A Gujan-Mestras, dans les années 1926 à 1930, 35 bateaux et pinasses, avec 250 marins pratiquaient cette pêche à l’océan. Le fruit de la pêche faisait l’objet d’une vente à l’encan, (elle se faisait sur le terrain du Syndicat des Marins, créé en 1884 par Camille Dignac, premier Syndicat Français de Marins), avec une criée municipale, groupant les mareyeurs, expéditeurs de sardines et vendeurs au vert appelés "Saoumateys" qui s’approvisionnaient tous les jours. Le plus gros du poisson était vendu aux 7 conserveries locales ou bien sur le marché pour alimenter Bordeaux et l’arrière pays. Les sardines de taille, non marchandes, étaient donnés à de vieilles femmes, qui les revendaient à leur compte en passant dans les rues et en criant "Les Royans d’Arcachon !…" ou "Elle est fraiche ma sardine !..." tout en proposant aussi de jolies sardines.
Certains pêcheurs n’ayant pas les moyens d’acheter les filets, ceux-ci étaient fournis par l’armateur, qui, au règlement du produit de la pêche prenait une quote-part pour amortir le capital fourni.
Toutes les fins de semaine, le patron réunissait l’équipage et "on faisait compte", c’est-à-dire, recettes, frais, rogue, essence, entretien du bateau... Le reste du bénéfice était distribué de cette façon :
- 3 parts pour l’armateur,
- 1 part ½ pour le patron,
- dans certains bateaux, ½ part supplémentaire au mécanicien.
Le reste de la somme était partagé entre le nombre de marins ayant participé à la pêche, un marin malade ou accidenté avait droit également à sa part.
Vers les années cinquante, les sardines se font rares. Les pêcheurs n’y trouvent plus leur compte. La flottille sardinière qui fut si prospère se disperse. Ses bateaux sont vendus dans d’autres ports. Heureusement pour nous, l’ostréiculture, toujours présente dans le Bassin d’Arcachon, a compensé la perte de cette activité, sans nous faire oublier la pêche à la sardine.
De nos jours, il n’existe pratiquement plus de pêche à la sardine dans le Bassin, et il n’y a plus de pêcheurs spécialisés dans cette pêche, les seuls apports commercialisés proviennent des chalutiers d’Arcachon qui pêchent dans le Golfe de Gascogne.
Dans divers recensements, la pinasse a permis de pratiquer 13 formes de pêche :
- pêche au filet dans les chenaux (5 types),
- pêche à la sardine,
- pêche à la drague des huîtres dans les chenaux,
- pêche à la senne (ou traïne) dans le Bassin et sur la côte,
- pêche au palet et au palicot,
- pêche à la foëne,
- pêche des oiseaux marins,
- pêche des crevettes,
- ramassage des huîtres et autres coquillages.
Deux types de pinasses sont décrites : une petite de 6,50 m, sans gouvernail, manœuvrée à la rame par ses 2 occupants (généralement 2 hommes) et une plus grande d'au moins 7 m comportant 2 bordés de plus, dotée d'un gouvernail, montée par 6 hommes, mue à l'aviron et sous voile. Il a été dénombré au total 204 pinasses. Bien que l'administration interdise aux pinasses de sortir du Bassin d'Arcachon, les grandes pinasses font concurrence aux chaloupes de pêche et sortent en pleine mer pour pêcher. La différence de taille entre les deux types d'embarcation se traduira dans l'introduction du vocabulaire local par l'appellation de "pinassotte", terme qui sera adopté officiellement, en 1909, pour les plus petites.
L'ostréiculture
Les ostréiculteurs, plus communément appelé "parqueurs", ont utilisé principalement les pinasses à moteur jusqu'à la fin des années 1960. Les huîtres étaient alors élevées à même le sol des parcs, concédés à bail par l'Administration maritime. Lesdits parcs délimités par une clôture en grillage serré de 30 à 40 cm de haut traité au coaltar comme les piquets de bois qui la soutenait, occupaient pour la plupart une superficie rectangulaire d'environ 30 à 50 m de long sur 10 à 20 m de large. Chaque parc était généralement séparé de ses voisins par des "couloirs" servant au passage, à la séparation d'avec les concessions voisines. Dans une même concession, un "clôturage" permettait de séparer les huîtres d'âges différents.
Avant la marée basse, la pinasse était conduite dans "l'estey" proche du parc à traiter puis ancrée au plus près du lieu de travail. L'échouage venu, l'ostréiculteur (seul ou avec son équipage) posait pied à terre et pouvait se mettre à la tâche. Quand le sol est plus argileux que sableux, en quelques endroits du bassin il est nécessaire de se déplacer en se chaussant de "mastouns", une paire de patins carrés limitant les risques de s'enfoncer et de glisser. De temps à autre, afin qu'elles ne s'ensablent ou ne s'envasent pas, les huîtres étaient "remuées" au moyen de herses tractées manuellement via une paire de treuils posés au sol des couloirs de passages puis déplacés latéralement pour traiter l'ensemble de chaque parc. On utilisait aussi de longs râteaux ou de larges fourches pour déplacer vers leurs places d'origine (ailleurs dans le parc) les huîtres qui avaient été entassées contre les clôtures pendant les tempêtes ou simplement par les courants marins. Selon un rythme propre à la saison et à chaque parqueur, les fourches servaient aussi, via des "chambreyres" ou "servantes", au remplissage de lots de "panetières" (filets sphériques) qui une fois refermées étaient empilées au plus près de la pinasse échouée en vue de leur chargement à destination du port. C'est là, au sec, dans les cabanes, que l'on procédait au tri des huîtres : élimination des coquilles vides, séparations des coquilles agglutinées, remise en panetières pour un retour au parc (et la suite de leur croissance) ou pour la mise en vente, en fonction du calibre, selon l'offre et la demande.
Quand il était nécessaire de transporter entre les ports et les parcs de lourdes charges comme du grillage pour réparer les clôtures, les "pignots" (longs pieux clôturant les parcs en bordure des chenaux) et surtout les cages et les tuiles avant ou après le captage du naissain, les ostréiculteurs devaient amarrer "à couple" de leur pinasse, un long et large bac de bois coaltaré, appelé "chaland" qui, une fois sur son lieu d'utilisation, devait être déplacé au moyen de perches. C'est depuis ces chalands qu'après leur détroquage, les jeunes huîtres étaient amenées dans leur parc en eau libre, "semées" à la fourche dans l'heure qui précédait le retrait des eaux tant que le bac pouvait surnager. Avec la mise en culture des huîtres, non plus directement sur le sol, mais avec de larges poches rectangulaires en matière plastique maillée (dites ambulances) fixées à les supports métalliques hors sol, leur manipulation n'était pas favorisée par la haute structure des pinasses. Progressivement celles-ci ont été supplantées par des embarcations plus basses sur l'eau, en bois ou en aluminium, rappelant généralement la forme des anciens bacs, mais dotés d'un habitacle et puissamment motorisés.
Une histoire de famille :
Mon grand-père maternel, André Pédemounou, a longtemps travaillé (durant sa jeunesse et avant de s’adonner au métier d’ostréiculteur) comme charpentier de marine au Chantier Naval Lapeyre. C’est d’ailleurs lui-même qui construira ses 2 propres pinasses : la première, "Provence", et la seconde, "Lady" (voir les 3 photos ci-dessous).
Mon père a lui aussi été ostréiculteur aux côtés de mon grand-père. Lorsque la crise ostréicole est survenue sur le Bassin (mortalité des huîtres "portugaises"), mon grand-père a continué seul l'ostréiculture alors que mon père retrouvait son ancien métier de mécanicien. Reprise du métier d’origine, certes, mais sans pour cela oublier l’ostréiculture puisqu’il réparait les moteurs des pinasses de copains ostréiculteurs (à l’époque, les pinasses étaient équipées des fameux moteurs Bernard… passion de mon papa). Ma grand-mère et ma mère assuraient par ailleurs les taches du métier en aidant "les hommes" au travail de triage des huîtres à la cabane et au détrocage des tuiles. Puis, malheureusement, la maladie est venue frapper mon grand-père, puis ma grand-mère, puis mon père... A leur décès, maman a continué le métier quelques temps, aidée par des journaliers, jusqu'à vendre l'affaire (pinasse, cabane et parcs à huîtres). Pour ma famille proche, la page ostréicole s’est ainsi tournée !
Sur la photo ci-dessus, il s'agit de Marcel Langlade et Germaine Larrouy.
Pour information :
- Marcel Langlade a péri en mer dans le Bassin, le 3 septembre 1944 (information communiquée par sa petite fille, Monique Marcos née Daugé),
- Germaine Larrouy était la grand-mère de Francis et Patrice (ancien pharmacien de Gujan-Mestras) Larrouy.
De nos jours, l'huîtrerie Daycard n'existe plus et les bâtiments ostréicoles ont été démolis. A cet endroit, une marina a été construite, la résidence "Ostrea edulis".
La pêche
Pour toute l'histoire de la pêche à la sardine, reportez-vous à ma page "Retour de la Pêche à la Sardine, Histoire de la Pêche à la Sardine, Gujan-Mestras" en cliquant sur ce lien :
Les conserveries
Cartes postales ci-dessus et ci-dessous : de septembre 1914 à juin 1917, Conserverie "Billette & Cie" au Port du Canal a été transformée en hôpital bénévale.
Sur la photo ci-dessus, la conserverie se situait en bordure de la voie ferrée Bordeaux-Arcachon. Une fois démolie, elle a été remplacée par la Colonie de Vacances "Saint André".
De nos jours :
- la colonie a fait place à une résidence de logements sociaux,
- le château d’eau a été construit sur le terrain de l’autre côté de rue des petits portillons que l’on aperçoit sur la carte postale et qui ont été remplacés par le passage à niveau existant,
- seule, la maison, tout à fait à droite, avec sa petite tour carrée, est demeurée quasiment à l’identique.
En 1925, alors que le site est occupé par une dizaine de cabanes de pêcheurs, Jean Parson construit un abri pour les "amateurs de bain froid". Très vite l’établissement, baptisé "La Barbotière" connaît un grand succès et devient un lieu de fête avec salle de danse et buvette.
En 1934, la guinguette ferme mais le nom de "Barbotière" reste et désigne encore aujourd’hui ce port qui auparavant, s’appelait "Port de Mestras".
De nos jours, équipé de complexes ostréicoles modernes, l’activité du port de la Barbotière est très importante. Le Lycée de la Mer, construit en 1991, forme chaque année de nombreux jeunes à tous les métiers de la mer et notamment à la conchyliculture.
A l’origine, ce port a été creusé par des colons de la Compagnie Ouvrière de Colonisation des Landes de Gascogne afin de construire la digue qui menait à l’établissement de bains de Mestras vers 1850.
Large de 10 m, il avait une structure similaire à un canal d’où son nom.
Avec le développement de la pêche et de l’ostréiculture, il fut transformé en port, avec la construction d’une darse ainsi que d’un bassin de chasse, permettant d’avoir un flux permanent d’eau afin d’éviter l’envasement.
Un second port à l’Ouest a permis aux ostréiculteurs, en même temps que la création d’un complexe ostréicole important, de pouvoir commercialiser leur produit en toute sécurité.
La colonie de vacances Jeanne d’Arc au Port du Canal (photo ci-dessus) a disparu depuis bien des années.
Ces bâtiments préalablement utilisés par des conserveries de sardines ont été transformés en colonie de vacances.
Par la suite, ils ont même servi de locaux pour diverses activités dont, pendant une période, les cours de catéchisme dispensés, entre autre, par Mme Balan (épouse du boulanger). Je me souviens bien de cette période, puisque je participais à cet apprentissage chrétien, et des nombreuses fois où l’on devait quitter les lieux, par temps de fortes marées, du fait des inondations provenant de la montée des eaux du port.
Pour accéder à la page 5, cliquez sur ce lien :
Pour recevoir des nouvelles sur la mise à jour de mon site, vous pouvez vous inscrire pour recevoir ma Newsletter.
Cliquez sur le lien contact, ci-dessous, et laissez-moi vos coordonnées.
Merci d'avance !